Assistance prévoyance assurance
Assistante prévoyance assurance,
au prisme de la Grande Guerre et d'un changement de paradigme fin XIXe - années 1920
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Site du Centenaire 14-18 qui a accordé son label à la manifestation
L’Assistance, la Prévoyance et l’Assurance, qui structurent l’histoire de nos sociétés contemporaines, ont conditionné une expérience humaine et une connaissance historique. Replacée dans la longue durée, chacune des trois notions a déjà fait l’objet de travaux de recherche, qui laissent cependant inexplorés ou insuffisamment travaillés de nombreux champs d’enquête : le renouvellement méthodologique en sciences humaines et sociales, comme en histoire des sciences ouvre en effet des perspectives d’analyse nouvelles, susceptibles d’aider à mieux comprendre l’interaction, la transformation, les formes d’hybridation et la place contemporaine de l’assistance, de la prévoyance et de l’assurance. C’est dans cette perspective que s’inscrit le colloque organisé à Paris les 17 et 18 janvier 2018.
Analyser les notions d’« Assistance – Prévoyance – Assurance au prisme de la Grande Guerre et d’un changement de paradigme » implique de prendre acte de la rupture culturelle majeure sans précédent que représente la première guerre mondiale. Celle-ci est associée à l’entrée nouvelle de la violence de masse. La « brutalisation des sociétés européennes » (G. Mosse) a eu une répercussion considérable et immédiate, notamment sur l’analyse du risque, la démographie, la place des « sciences de guerre », le rôle de l’État et la relation entre une science de la connaissance (actuariat) et son usage politique. L’ampleur des changements démographiques, la puissance de l’hécatombe (pertes humaines), le nombre jamais atteint jusqu’alors de grands blessés, mutilés, et d’invalides de guerre, les questions d’hygiène (lutte contre la tuberculose notamment) ont fait passer au premier plan les sciences médicales et la recherche scientifique, remettant en question le magistère du droit dans la réflexion sur l’invalidité et le pensionné par exemple. De fait, face à de tels bouleversements, l’assistance, y compris celle délivrée par la Croix Rouge, devient conjoncturellement une forme d’accompagnement mieux adaptée, au détriment de la forme contractuelle classique de l’assurance pour se protéger des aléas et accompagner une reconstruction. De même, ces bouleversements ont redonné toute sa place à l’État, et ouvert une place centrale aux organisations transnationales et institutions internationales (OIT, SDN...), conduisant par là même à s’interroger sur la Grande Guerre comme révélateur du débat récurrent relatif à la construction du caractère social de l’assurance et à l’organisation de la prévention (maladies).
Toutefois « plus que la rupture, l’effet révélateur que produit la guerre » (Anne Rasmussen) est porteur d’une réflexion autant en amont qu’en aval. La Grande Guerre, est incontestable-ment le révélateur d’un passage qui trouve son ancrage entre le début du XXe siècle, voire la fin du XIXe, et les années 1920. Celui-ci voit l’extension des savoirs scientifiques, la montée en puissance de la rationalité du risque, grâce à la maîtrise du calcul actuariel, y compris pour son usage en médecine et santé publique, la normalisation des travaux et enquêtes statistiques, le développement des mathématiques financières et l’émergence, par la voie d’ingénieurs du social et d’actuaires, d’un « esprit économétrique », liant des traditions de savoir antagonistes : économie, mathématique et statistique.
Ainsi, en amont, peut-on voir dans la « longue stagnation » du dernier tiers du XIXe siècle, avec ses nombreuses faillites, la montée de la précarité sociale et ses conséquences directes en termes d’assistance (cf. fonction des nombreuses ligues et associations féminines), un des soubassements conjoncturels des changements qui ont émergé de la Grande Guerre ; le « moment 1900 », quant à lui, est associé à une autre question majeure : celle des régulations sociales et juridiques, posée avec acuité par des juristes sensibles à la démarche sociologique et historique dans l’objectif de donner toute son ampleur à l’observation des faits sociaux et de contribuer au renouveau de la doctrine juridique (autant dans le domaine civil que dans ceux du travail et du commerce). En aval, la sortie de guerre est associée jusqu’au milieu des années 1920 à la crise économique et financière avec ses répercussions sur le marché du travail et le chômage, aux très fortes tensions inflationnistes qui, en raison du bouleversement du rapport traditionnel entre revenu, épargne et rente, ont eu des répercussions directes sur les conditions de vie des familles, la prévoyance individuelle et collective. Associé à l’essor du salariat, cette conjoncture économique et financière a bouleversé les nombreuses formes et techniques de protection sociale, tant privées que publiques, qui coexistaient avant 1914 et a favorisé les nouvelles formes de régulation sociale transnationale (le rôle BIT par exemple).
Au regard de ces exemples, ce colloque s’inscrit dans une réflexion d’ensemble au prisme de la Grande Guerre, sur les moments porteurs de scansions, révélateurs d’enjeux et de définition du savoir (entre tradition et innovation) autant philosophique, mathématiques, juridique qu’économique et intimement associés à l’adaptation des sociétés modernes et contemporaines à la construction de la modernité. Ces moments correspondent souvent à des conjonctures particulièrement signifiantes pouvant porter un changement de paradigme (adhésion à un système de pensée et d’action dans l’ordre du savoir avec ses projections symboliques, ses modèles et valeurs).
Ainsi, s’agit-il de s’interroger sur l’évolution, la transformation et la représentation des trois notions d’assistance, d’assurance et de prévoyance, dans leur dimension philosophique et morale, voire moralisatrice, mais aussi éducative. Elles ont été avant la Grande Guerre au cœur d’un projet global visant à en faire une « science sociale » ; elles sont devenues, après le premier conflit mondial, des notions avant tout techniques, scientifiques et pragmatiques, comme en témoignent à la fois le développement de leur enseignement dans les nouveaux instituts universitaires créés au début des années 1920 et l’importance de plus en plus forte de l’économie et la finance dans la société.
En recourant à une approche résolument interdisciplinaire, le colloque posera finalement la question du rôle de la Grande Guerre dans le changement de paradigme évoqué : a-t-elle été déterminante ou n’a-t-elle été qu’un moment de conjoncture exceptionnelle ayant facilité l’adaptation nécessaire, à l’œuvre antérieurement, aux défis de la modernité ?