Le droit fiscal des entreprises à l’épreuve de la diversification des instruments financiers
Étude en matière d'impôts directs
L’imagination fertile des praticiens en matière de création d’instruments financiers s’explique avant tout par des raisons autres que fiscales. S’ils sont le plus souvent pointés d’un doigt réprobateur pour leurs effets néfastes, les problématiques soulevées par leur diversification dépassent pourtant les abus qu’ils peuvent aider à perpétrer. Le législateur fiscal a-t-il su trouver, en matière d’impôts directs applicables aux entreprises, le juste équilibre entre accompagnement de l’innovation financière et atténuation du risque qu’elle soit source d’évitement de l’impôt ? Hybrides financiers, depositary receipts, produits structurés, et contrats financiers portant sur des actifs financiers ou sur leur rémunération, sont autant d’instruments qui lancent d’importants défis au droit fiscal. Pour les comprendre, et évaluer les réponses qui y sont apportées en France, à l’étranger ou à l’échelle supranationale, il est nécessaire de se tourner tout à la fois vers le droit civil, le droit des sociétés, le droit financier, le droit fiscal français et étranger, le droit comptable, le droit de l’Union européenne, le droit constitutionnel, le droit conventionnel, les principes du droit international ou encore les mathématiques financières.
Déterminer avec précision leur nature juridique est un prérequis indispensable pour juger de la cohérence et de la pertinence du droit fiscal français lorsqu’il doit leur être appliqué, ou de la nécessité de le faire évoluer. Force est de constater qu’il pèche par l’ancienneté de ses mesures, qui tranche autant avec le dynamisme des marchés financiers qu’avec l’évolution notable des autres branches du droit. À quelques exceptions près, les instruments financiers ne sont envisagés qu’à la marge, de façon partielle, ou sont parfois tout simplement oubliés. De nouvelles problématiques voient le jour lorsque leur rémunération traverse les frontières. La coopération interétatique devient alors essentielle, et le respect des principes supérieurs du droit est clé pour que les solutions adoptées soient pérennes. Que l’on s’intéresse à celles visant à lutter contre l’hybridité fiscale de certains titres financiers, ou à celle adoptée par le législateur américain pour combattre l’évitement de la retenue à la source sur dividendes par l’utilisation de contrats financiers, le constat final est le même. Fondées sur une volonté louable de lutter contre les abus de certains, les mesures d’assiette finalement proposées trahissent la vision partiale de leurs rédacteurs et ne tiennent pas suffisamment compte de l’utilité de l’innovation financière pour l’économie.
Qu’il s’agisse de lutter contre les abus ou d’accompagner l’innovation financière, le juste équilibre ne nous semble pas avoir été trouvé. Une approche plus nuancée mériterait d’être adoptée pour permettre à l’avenir une meilleure appréhension des instruments financiers par le droit fiscal.